The Council : le test complet
Jeux Vidéo Publié par Violaine le
Comment ça je suis à la bourre ? Certes, l'épisode final de The Council - jeu d'aventure narratif made in France que je vous présentais en avril dernier - est sorti avant la fin de l'année, comme le studio s'y était engagé. Je m'étais de mon côté engagée à fournir un test dans la foulée, mais si les studios Big Bad Wolf m'ont bien appris une leçon, c'est qu'il vaut parfois mieux prendre son temps pour une conclusion aux petits oignons...
Les 13 salopards
Rappelons rapidement l'histoire. The Council nous plonge aux commandes de Louis Mauras de Richet, fils de Sarah de Richet, présidente de la branche française de la société secrète de l'Ordre Doré dont Louis fait également partie. Comme à son habitude, la mère de Louis est sur un coup qui paraît plutôt foireux. Sur invitation d'un certain Lord Mortimer, Louis la rejoint au Manoir de Mortimer, où elle a disparu depuis quelques jours. Paraîtrait que c'est une chance de pouvoir mettre les pieds sur cette mystérieuse île au large des côtes anglaises. Personnellement, j'y laisserais volontiers ma place.
Toi qui entre ici abandonne toute espérance
The Council nous plonge en 1793, oui, en plein dans la Révolution française à une période qu'on appelait aussi la Terreur. Tiens donc, ça promet. Un bon prétexte pour nous plonger dans une ambiance victorienne glauque, qui n'est pas sans rappeler la série Penny Dreadful pour les amateurs.
Les plus grandes soirées mondaines auraient lieu au Manoir de Mortimer. Mais à en juger par la froideur de notre hôte, qui colle parfaitement à la déco des lieux, on est pas sûr que ça veuille dire coupettes de Champagne et parties de jambes en l'air. Quoique. Les nombreux tableaux et œuvres littéraires de chaque chambre ont été précisément étudiées pour chaque invité. Et ce ne sont pas toujours de mignonnes attentions... Tomber sur La Divine Comédie : L'enfer de Dante sera directement perçu comme une petite mise en garde pour la suite...
En réalité, c'est au manoir de Lord Mortimer que les plus grandes décisions politiques se prennent. Et qui dit décisions politiques, dit hommes politiques ! C'est pas moins de 5 personnages historiques qui vous attendent : à vous les tisanes nocturnes avec Président George Washington, les engueulades avec Napoléon Bonaparte (en même temps avec un tel accent français difficile de l'apprécier) et Manuel Godoy, les "confidences" avec Elisabeth Adams, ou encore les discussions occultes avec Johann Christoph Von Wöllner. Gros point fort pour ces personnages hauts en couleurs aux doublages très réussis. 7 personnages fictifs viennent compléter cette belle brochette dont la jolie Duchesse Emily Hillsborrow, le discret Cardinal Giuseppe Piaggi, le juge vénère Jacques Péru ou encore le très charismatique Lord William Mortimer.
Je vous laisse imaginer la paranoïa qui règne durant les premières heures de jeu. Difficile de savoir à qui se fier... On se demande bien comment Louis, détective maladroit un poil impertinent - ou diplomate, ou occultiste selon la classe que vous aurez choisie - peut survivre ici. La réponse se trouve dans le gameplay de The Council, qui fait toute l'originalité du jeu. Loin d'être accessoire, la touche RPG du gameplay transforme l'expérience du joueur et apporter un renouveau au genre.
Ne pas se laisser manipuler n'est pas chose aisée dans The Council. Gagner une confrontation - sorte de joute verbale contre un perso pour arriver à vos fins - l'est encore moins. Mais on prend un malin plaisir à découvrir les immunités et surtout les vulnérabilités de chacun des personnages.
Une aventure très corset
Ne voyez dans ce titre aucun jeu de mot lourdingue faisant allusion aux tenues légères de la Duchesse. Spoil alert : y a peut-être pas les coupettes de Champagne, mais galipettes il y a.
Les choix sont trop souvent illusoires dans les jeux vidéo. Et très souvent utilisé comme une promesse marketing pas vraiment tenue. De ce côté, The Big Bad Wolf ne s'est pas foutu de notre tronche. Les choix sont au centre de l'aventure et permette à chaque joueur de vivre sa propre expérience. Et ils ne nous ménagent pas. D'ailleurs, dès l'introduction, The Council nous rappelle leurs conséquences irréversibles.
Parmi les choix important à faire dès les premières minutes, on retrouve bien évidemment la classe et la répartition des points de compétences. Je me suis pas mal de fois mordue les doigts de mon manque de compétences en politique, linguistique ou subterfuges mais je suis devenue une experte en manipulation psychologique. Ce qui m'a sauvé la mise plus d'une fois.
Notez que le game over n'existe pas dans The Council. Pas de sauvegarde manuelle non plus, il est donc impossible de revenir sur un mauvais choix. Le parti-pris est de pousser le joueur à composer avec ses décisions, mais aussi avec ses ratés. Certains choix peuvent par exemple coûter la perte de certains personnages...
Un manque de réflexion peut aussi (et ça peut en frustrer certains mais m'a beaucoup fait rire) vous faire totalement foirer une énigme. Au point de se tirer une balle dans le pied tout seul pour la suite. Un mauvais produit appliqué sur votre parchemin, et le texte devient illisible. Une mauvaise manipulation d'un mécanisme et vous voici amputé d'une main... Des ratages qui peuvent carrément vous priver de certaines scènes. Surtout que les énigmes sont loin d'être simples et obligent vraiment le joueur à se creuser la tête ! Avouez que c'est couillu. Et ça ajoute un petit côté "boulet" irrésistible à notre cher Louis.
Mais le pire dans tout ça, c'est que les choix sont complexes dans The Council. Il est impossible d'adopter une stratégie manichéenne et je mets ma main à couper que vous changerez plusieurs fois votre point de vue sur les personnages et le vote du colloque. Rappelons que nos invités sont avant tout chez Lord Mortimer pour faire un vote déterminant pour l'Histoire. Si The Council s'offre quelques libertés, il reste en effet assez fidèle à l'Histoire. Ainsi, l'épisode 3, qui se situe juste avant la cession de la Louisiane à la France, et tout ce que ça va impliquer pour l'Espagne par la suite, vous plonge en plein dans les enjeux géopolitiques de l'époque. Est-ce qu'un petit Louis de Richet sera assez fort pour aller contre l'Histoire ? Face à un Napoléon Bonaparte aussi determiné et un Lord Mortimer aussi puissant, rien n'est moins sûr...
Comme dans une vraie Murder Party, on prend un vrai plaisir à nouer des alliances, fouiller discrètement le manoir pour résoudre des énigmes, trouver des indices à travers les nombreuses peintures de l'époque et collectionner tout un tas d'items qu'on cache jalousement dans nos poches... et au passage se cultiver !
Depuis Versailles 1685 : Complot à la Cour du Roi Soleil, aucun jeu d'aventure (dans ma bibliothèque en tout cas) n'avait autant fait la part belle à l'art et à l'Histoire sans tomber dans le barbant. The Council pourrait presque aussi se classer comme un jeu vidéo ludo-culturel si le fantastique ne prenait pas autant le dessus à la seconde partie.
Démons et Merveilles
Ce n'est pas pour rien qu'il existe une classe occultiste dans The Council. L'occultisme, dont j'ai assez peu parlé jusqu'ici (dans l'article hein, pas sur le blog) est tout aussi central dans l'histoire. Et il le devient d'autant plus à la dernière partie du jeu. Loin de moi l'idée de vous spoiler à ce niveau du test, j'éviterais donc de trop rentrer dans les détails.
Alors que l'épisode 3 se concentrait autour du débat politique et du fameux vote, l'épisode 4 de The Council laisse la place aux sciences occultes. C'est l'épisode qui offre le plus de révélations surprenantes sur Louis de Richet ainsi que sur d'autres personnages comme Emily Hillsborrow ou encore Johann Christoph Von Wöllner. Et de façon contradictoire, c'est un épisode très court et plus linéaire où tout s'enchaînent beaucoup trop vite.
En à peine 1h30, l'épisode 4 nous fait courir de révélations en révélations sans laisser le temps au joueur de digérer. Même notre cher Louis de Richet reste totalement passif face aux événements. C'est seulement en prenant de nous-même le temps de nous arrêter sur un fauteuil (petite pause contemplative façon Life is Strange) que nous pourrons connaître le fond de ses pensées..
C'est bien dommage car le twist était plutôt intéressant... D'autant plus que notre personnage principal se voit offrir une toute nouvelle compétence dont il aura à peine l'occasion de profiter. Et cela ne va malheureusement pas en s'arrangeant avec un épisode 5 tout aussi expéditif. On a vraiment l'impression que Big Bad Wolf a voulu absolument tenir ses délais pour sortir le jeu avant la fin de l'année, quitte à perdre un peu en profondeur. Si on ajoute à ça les bugs d'animations faciales et les chutes de framerate (et c'est pas un problème de carte graphique) qui sont de plus en plus présents au fil des épisodes, ça laisse un arrière-goût un peu amer.
Dommage car pour une fois, on retrouve les répercussions de chacun de nos choix dans ces derniers épisodes. Et certaines énigmes ratées peuvent même s'avérer déterminantes pour connaître une fin plus ou moins joyeuse... De ce côté là, la promesse est donc bien respectée ! Pour cette raison, le jeu bénéficie d'une bonne rejouabilité. Les plus motivés pourront recommencer le jeu entier, tandis que les petits curieux pourront se contenter de refaire certains chapitres.
Notons tout de même que The Council est le tout premier jeu du studio français Big Bad Wolf ! S'ils prennent un peu plus leur temps pour le prochain on peut s'attendre à une grosse bombe qui apportera un vrai renouveau au genre. The Council a déjà bien préparé le terrain ! A suivre de près donc !
The Council est à 30€ sur Steam, et à l'heure où je vous parle il est soldé à -50 % ! Durée de vie : une bonne douzaine d'heures, voire le double si comme moi vous testez les autres possibilités. A ce prix là, franchement on va pas appeler les flics !
Les plus :
- La touche RPG en plus : malin & innovant
- Les décors : toujours quelque chose à regarder
- L'intrigue originale et bien ficelée
- L'absence de Game over
- Les énigmes bien prises de tête
- On se cultive en s'amusant
- Des choix qui ont de vraies conséquences
- Une bonne rejouabilité
Les moins :
- Les deux derniers épisodes bâclés
- Les nombreuses chutes de framerate
- Les animations faciales pas toujours réussies